L’approche Émotivo-Rationnelle fut introduite au Québec vers le milieu des années 70 par le psychologue et auteur prolifique bien connu, Lucien Auger, Ph.D, qui l’a alors traduite sous le nom de Démarche Émotivo-Rationnelle (DER) ou encore Psychothérapie Émotivo-Rationnelle (PER).
À ses débuts, l’approche était plutôt perçue négativement par la population et par les professionnels du milieu. Ils croyaient, à tort, que l’émotivo-rationnel était une façon de rationaliser, c’est-à-dire justifier ou intellectualiser les émotions ressenties. En fait, pour être fidèle à la PER, il serait préférable de traduire  »rational » par raisonnable plutôt que par rationnel. Au sens cartésien, on entend par raisonnable, la capacité de distinguer le vrai du faux. Il va sans dire que cette capacité de raisonner est un outil indispensable pour le développement de l’intelligence émotionnelle.

Depuis qu’Albert Ellis en a formulé les premiers principes vers 1955, la PER a connu une croissance importante dans les milieux américains et se classe aujourd’hui parmi les formes les plus utilisées de contact aidant. La recherche scientifique est venue appuyer bon nombre de ses postulats initiaux et les chercheurs ne cessent de découvrir des éléments venant confirmer les prétentions de la PER quant à l’efficacité de son application grâce à l’obtention de résultats cliniques forts intéressants dans le cas de plusieurs pathologies, troubles de personnalité, problèmes comportementaux, compulsions et de dépendances diverses.

Médecins, psychiatres, travailleurs sociaux, infirmières, éducateurs, conseillers d’orientation, psychologues et mêmes parents puisent dans la PER des réflexions qui leur sont d’abord personnellement utiles et qui rendent leurs interventions aidantes plus fructueuses.

L’initiateur de la psychothérapie émotivo-rationnelle (PER) est sans conteste Albert Ellis. Lui-même raconte (Ellis et Whiteley, 1979) comment il en est venu à formuler la PER en 1955, après avoir pris une certaine distance quant à sa formation de psychanalyste.

Il est intéressant de noter que cette forme de thérapie a pris naissance à l’occasion de problèmes personnels de son créateur. Ellis rappelle que, pendant sa propre jeunesse, il avait été affecté de divers problèmes émotifs, entre autres d’une hantise de prendre la parole en public. Pour vaincre cette peur, il apprit à adopter une attitude réaliste quant aux dangers illusoires qu’il imaginait et à combiner cette démarche mentale à une désensibilisation in vivo consistant à parler de plus en plus souvent en public malgré ses malaises initiaux. C’est ainsi que, plus de vingt ans avant de formuler les premiers principes de base de la PER, son initiateur les avait en quelques sortes découvertes de façon intuitive à l’occasion de ses difficultés personnelles.

Parmi les sources dont il s’est inspiré dans l’élaboration de la PER, Ellis se réfère d’abord aux stoïciens antiques, parmi lesquels se rangent au premier rang Épictète et Marc-Aurèle. Suivent des philosophes comme Spinoza, Érasme, Voltaire, Schopenhauer et d’autres auteurs plus récents comme John Dewey, Bertrand Russel, Hans Reichenbach et Ludwig Wittgenstein. Il reconnaît aussi une parenté de pensée avec des praticiens comme Karen Horney (1965) qui, elle aussi, était arrivée à préciser de quelle manière les humains se torturent eux-mêmes avec des « il faut ».

Dès le début, la PER se présente comme une méthode active et directive. Comme il fallait s’y attendre, une opposition violente se manifeste alors de la part de presque tous les principaux théoriciens des années 50. Psychanalystes, rogériens et thérapeutes d’orientation existentielle trouvaient, et trouvent encore, la nouvelle méthode trop directe, trop active et trop hardie. Les thérapeutes d’orientation existentielle et ceux qui sont centrés sur l’exploration des émotions la trouvaient trop intellectuelle. Quant aux behavioristes, surtout ceux de l’école de Skinner et de Wolpe, ils lui reprochaient de s’intéresser trop activement aux contenus cognitifs plutôt que de s’en tenir aux comportements extérieurement observables.

Ellis rapporte que toute cette opposition n’arriva pas à ébranler sa conviction, basée sur son expérience personnelle, en l’efficacité de la PER.

Pendant les années 60, un changement profond commence à se produire en psychologie et en psychothérapie. C’est à cette époque que la psychologie cognitive, dont on trouve les racines dans l’œuvre de Piaget et de ses collaborateurs vingt ans plutôt, commence à être connue et reconnue comme un courant de pensée valable.

On commence alors à reconnaître l’importance déterminante des cognitions (interprétations, pensées, croyances) dans la création de l’émotion et la détermination de l’action.

Au même moment, des praticiens comme Schutz (1967) et Perls (1969) adoptent des méthodes résolument actives et centrées sur le présent, s’écartant ainsi de l’obsession du passé qui avait largement déterminé jusqu’alors la démarche thérapeutique

Vers la fin des années 60, on assiste également à un changement notable dans le domaine de la thérapie du comportement. Des théoriciens réputés comme Bandura (1969) et Franks (1969) font remarquer que les humains ne font pas que réagir à un stimulus externe, mais aussi et surtout aux interprétations et cognitions qu’ils se forment à partir de ce stimulus. On passe d’une conception watsonienne du comportement (S-R) à une conception plus nuancée qui inclut l’intervention de l’organisme (S-O-R) dans la réponse au stimulus. La recherche dans ce domaine commence à démontrer que, lorsque le client, avec l’aide du thérapeute, parvient à modifier ce qu’il se dit à lui-même, il parvient également à modifier de façon notable ses émotions et ses actions.

Si on tient compte de l’influence marquée qu’a exercé la PER à la fois dans les domaines de la recherche et de la pratique en psychothérapie, il ne semble pas exagéré d’affirmer que cette méthode constitue l’une des démarches les plus actives et les plus influentes de notre siècle.